18/05/2012
Ouganda

Comment la Banque mondiale finance l'accaparement des terres

À la veille de la conférence annuelle de la Banque mondiale sur la terre
et la pauvreté, organisée du 24 au 26 avril, un rapport des Amis de la
Terre Ouganda révèle les conséquences dramatiques de l'accaparement des
terres financé par la Banque mondiale : violations généralisées des
droits des populations et graves destructions de l'environnement. Le
rapport des Amis de la Terre Ouganda Land, Life, Justice – La terre, la vie et la justice,
présente les témoignages de communautés contraintes d'abandonner leurs
lieux de vie, leurs moyens de subsistance et leur accès à l'eau. 

La Banque mondiale a historiquement soutenu et financé à hauteur de
plusieurs millions de dollars, l'expansion de l'huile de palme dans les
îles boisées au large du Lac Victoria à Kalangala en Ouganda. Près de 10
000 hectares ont déjà été plantés couvrant près d'un quart de la
superficie des îles. Si la Banque mondiale s'est depuis retirée du
projet, qui implique aussi le géant des agrocarburants Wilmar, la
compagnie africaine d'oléagineux Bidico ou le gouvernement ougandais,
les accaparements de terres continuent...

Les plantations de palmiers à huile se sont développées au détriment des
cultures vivrières locales et des forêts tropicales. Les populations
locales ont été empêchées d'accéder aux sources d'eau et aux pâturages.
En dépit des promesses d'emploi, les habitants ont perdu leurs moyens de
subsistance et ont du mal à joindre les deux bouts. Pour David Kureeba
de NAPE/les Amis de la Terre Ouganda : "Les droits à la terre sont en
train d'être démoli, bien qu'ils soient garantis par la Constitution
ougandaise. La petite agriculture, la foresterie qui a protégé la faune,
le patrimoine et l'approvisionnement alimentaire de l'Ouganda sont
remplacés par des décharges de palmiers à huile qui ne profitent qu'à
l'industrie agro-alimentaire. Le gouvernement ougandais doit donner la
priorité à la petite agriculture biologique paysanne et protéger les
droits fonciers des populations."

John Muyiisha, un agriculteur de Kalangala, raconte ainsi qu'en se
réveillant un matin, il a trouvé des bulldozers détruisant ses récoltes.
Il cultivait ce terrain depuis 34 ans. D'autres membres de la
communauté ont été embauchés pour planter des palmiers à huile et
contraints de revendre leurs terres en raison des dettes, du faible
revenu de l'huile de palme et de l'absence de récoltes vivrières. 

Ronack Monabay, chargé de campagne sur les Institutions financières internationales aux Amis de la Terre France explique : "Ces
récits contredisent l'idée même que l'accaparement des terres serait
souhaitable et "fonctionne" pour les communautés et l'environnement. Des
décennies de privatisation des terres et de promotion de l'agriculture
industrielle par la Banque mondiale ont ouvert la voie à un accaparement
massif des terres. Les gouvernements à travers le monde doivent arrêter
l'accaparement des terres et non pas seulement essayer d'en atténuer
les impacts les plus graves. Ils doivent respecter leurs obligations en
matière de droits de l'homme sur la terre et réduire drastiquement leurs
demandes pour les produits tels que l'huile de palme."

Le rapport en anglais, un diaporama photographique et un film sont disponibles sur le site des Amis de la Terre.

Le projet de Kalangala, sur lequel se concentre le rapport, est une
joint venture entre le géant mondial des agrocarburants Wilmar
International et BIDICO, l'une des plus grandes compagnies de graines 
oléagineuse en Afrique de l'Est avec le soutien financier et politique
des institutions financières internationales comme la Banque Mondiale et
le gouvernement ougandais. Il est financé pour 120 millions de dollars
par des financements privés, pour 10 millions de dollars par
International Finance Corporation et la Banque Mondiale, pour 19,9
millions de dollars par le fonds international pour l'agriculture et le
développement et pour 12 millions de subsides du gouvernement ougandais.

Land, Life, Justice – Les Amis de la Terre